La lutte contre la corruption exige une vigilance collective en tout lieu et à tout instant

Depuis toujours, j'ai entendu dire sur plusieurs espaces que le problème n° 1 du Mali, c'est la corruption. Je ne peux qu'être d'accord avec cette affirmation et suis prêt à associer ma voix à celles de celles et ceux qui voudront dénoncer et se battre contre ce fléau qui mine notre pays et annihile tous ses efforts dans la voie du développement.

Ceci dit, il ne faut pas s'arrêter aux seuls gémissements et invectives. Commençons par regarder les manifestations quotidiennes et visibles de la corruption afin de pouvoir les combattre efficacement. A ce que je sache, de "l'opération taxi" sous la 1ère République à la déclaration du Président IBK de faire de l'année 2014, celle de la lutte contre la corruption ; la volonté de combattre la corruption a toujours été une préoccupation affichée de tous les gouvernants. Ce qui a le plus manqué, ce sont les résultats tangibles. Au point qu'actuellement, aucun discours sur la lutte contre la corruption ne porte plus. Dans notre pays, l'évocation des valeurs éthiques et morales face aux comportements délictueux qui consistent à s’approprier le bien public fait plutôt sourire. Certains font même de la corruption un acte de bravoure. La corruption est devenu la norme, malgré qu'à l'origine notre culture stigmatisait les auteurs de cette pratique comme des "din-djougou" en bamanankan que l'on peut traduire "enfants pervers". La corruption dans notre pays renvoie aujourd’hui à de nombreuses questions à multiples facettes.
Je propose, pour commencer, que l'on porte le débat sur les manifestations quotidiennes de la corruption à côté desquelles nous passons souvent sans faire attention. Il me revient alors à l'esprit une contribution que j'ai lu dans un journal de la place. L'auteur, dont je ne me souviens plus du nom, en réaction à la stigmatisation des seuls politiques en ce qui concerne la corruption, posait l'interrogation suivante : "Au Mali, qui est réellement vecteur de la corruption et qui ne l'est pas?"
Il poursuivait, si mes souvenirs sont bons, à peu près comme ceci :
- Qui va "voir" le maître de son enfant pour "améliorer" ses notes de classe ?
- Qui "donne" 500 ou 1000 fcfa à un policier au carrefour pour avoir enfreint les règles du Code de la route ?
- Qui "vend" les postes ou les grades au sein des administrations publiques ?
- Qui est le propriétaire immobilier qui n'a jamais payé d'impôt ?
- Qui est le commerçant contrebandier qui fait de la concurrence déloyale sous le regard indifférent de tout le monde ?
- Qui est l'entrepreneur qui soudoie pour avoir des marchés de l'Etat et surfacture ensuite ?
- Qui est le citoyen qui vote pour un tee-shirt ou 1 kg de sucre ou une promesse de « on va voir » ?
- Qui vote pour le maire qui a fini de distribuer tous les espaces verts du quartier ?
- Qui n'a jamais pris la vignette pour sa voiture ou sa moto ?
- Qui est l'élève ou l'étudiant qui triche à l'école ou à l'université ?
- Quel est le parent qui éduque son enfant dans le non respect des valeurs éthiques et morales fondatrices de la vie en société ?
- Qui est l'enseignant qui distribue des notes de complaisance ou monnayées ?
- Qui est inspecteur ou le contrôleur des services publics qui ferme les yeux sur les malversations par amitié ou par parenté ?
- Qui est l'usager qui passe au feu rouge en ne respectant pas la priorité ou tout simplement les règles élémentaires du bien vivre ensemble ?
- Qui est l'homme ou la femme qui occupe et privatise la voie et la chose publique dans l'indifférence générale ? Celui qui se plaint est un « gningo ».
- Qui résiste aux sollicitations familiales ou amicales de trouver des arrangements consistant à violer les lois et règlements du pays ?
- Etc....
Quand les mauvais comportements qui font le lit de la corruption sont aussi généralisés qu'ils le sont dans notre pays, il faut avant tout un réarmement moral de l’ensemble de la société en commençant par la bonne éducation de l'enfant dans la famille. C'est la société toute entière qui doit stigmatiser et combattre la corruption en condamnant les corrupteurs et les corrompus. La corruption doit être socialement, politiquement, judiciairement et administrativement dénoncée et sanctionnée. La lutte contre la corruption exige de nous tous une vigilance collective en tout lieu et à tout instant. Avant la peur du gendarme,, du policier ou du juge, ce sont les valeurs que nous incarnons qui permettent de lutter durablement contre toutes les tentations de corruption.



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Au Sahel, le besoin de refondation de l’Etat est lié à la persistance des doctrines coloniales de gouvernement

Lettre à mes frères et sœurs de la région de Mopti

Des élections précipitées ne mèneront pas à une refondation de l’Etat