Les "Pas dits" du Président francais en ce qui concerne le Sahel


J'ai suivi avec intérêt la conférence de presse donnée par le nouveau et jeune Président français à la clôture du Sommet du G7 en Sicile. La partie qui a le plus retenu mon attention est celle relative aux axes prioritaires de sa politique dans les pays du Sahel. J'ai noté que la sécurité et le développement sont les secteurs prioritaires retenus d'une part et d'autre part le secteur privé et la société civile sont les acteurs majeurs que la coopération française compte cibler.


Il ne m'appartient pas de discuter la pertinence des deux secteurs choisis ni des catégories d'acteurs retenus. Mais ce positionnement des priorités de la France dans les pays du Sahel a besoin d'être mieux précisé et peut être complété. Les notions de développement et de société civile sont non seulement larges, mais ce sont aussi des cibles habituelles d'intervention de la France et de plusieurs autres coopérations. Je me suis alors interrogé sur les signes du renouvellement de la politique de la France désormais dirigée par un Président qui se présente comme un apôtre du changement.

J'attire l'attention des autorités françaises que dans le paysage désespérant que présente les pays du Sahel un acteur nouveau est entrain d'émerger. Les collectivités locales décentralisées et leurs pouvoirs locaux et régionaux portent en germe le pari du renouveau des pays et du Sahel. Dans les vingts prochaines années, ces nouveaux acteurs encore faibles et fragiles, mais plus proches et sous le contrôle des populations vont jouer un rôle déterminant dans le changement de la trajectoire des pays. Les collectivités décentralisées sont non seulement une chance pour donner une légitimité aux autorités publiques, mais aussi pour renforcer l'unité des pays dans le contexte sahélien. D'où la nécessité pour les gouvernants et les coopérations d'en faire des partenaires stratégiques.

Il est de plus en plus évident que le modèle d'Etat mis en place à la suite des indépendances dans cette région est en bout de course. Il n'a jamais réussi à acquérir une quelconque légitimité aux yeux des diverses communautés qu'il a tenté sans succès d'uniformiser. Sa crédibilité est aussi mis à mal en raison des défis persistants que sont : la paupérisation grandissante des populations, le dépeuplement des territoires régionaux et locaux et la dégradation des ressources naturelles auxquels s'ajoutent l'insécurité grandissant pour  les personnes et leurs biens aggravée par le manque d'emploi pour les jeunes. Dans les pays sahéliens, l'alternative crédible et durable aux Etats faillis issus des indépendances ne peut être que des Etats respectueux et garants de la diversité humaine et territoriale des pays sahéliens. C'est la condition pour avoir des pays unis et stables qui seuls sont capables de construire la prospérité.

Le développement durable se construira à partir des territoires régionaux et locaux qui sont les lieux de vie et d'activité des acteurs nouveaux qu'ils soient de la société civile ou du secteur privé. Le potentiel naturel et humain des pays se trouve sur ces territoires qui ont été plus administrés que gouvernés. L'administration a été unilatérale et verticale alors que la gouvernance exigence l'interaction avec un accent mis sur l'horizontalité. Des Etats qui se concentrent sur leurs missions de prévision, d'organisation et de contrôle, capables de construire et de conduire un partenariat avec les collectivités décentralisées et les opérateurs économiques privés sur les territoires régionaux et locaux sont la condition du développement équitable et solidaire.

La sécurité des personnes et de leurs biens dans un Etat de droit respecteux des droits fondamentaux et des libertés publiques dans un monde ouvert et globalisé doit aussi être gérée à proximité.  D'où la nécessaire implication des collectivités territoriales dotées de prérogatives et de forces dans le domaine de la sécurité.

Pour finir ma conviction, que je veux partager, est que la renaissance et le futur des pays du Sahel s'écriront à partir des territoires régionaux et locaux responsabilisés.

Commentaires

Unknown a dit…
Bonjour Mr Sy et merci pour cette analyse très claire. Je suis dans le domaine d'appui à l'entrepreneuriat et selon notre analyse aussi il faut nécessairement impliquer les collectivités territoriales dans la démarche de création d'entreprises et d'emplois. Nous sommes entrain de faire un projet pilote avec le Conseil Regional de Kayes, Sikasso, et le cercle de Kati. Le concept s'inspire du modèle Initiative France (www.initiatve-france.fr ).
Mahamadou Karamoko Diarra
ousmane sy a dit…
Je vous remercie pour vos commentaires et vous encourage pour vos initiatives.
Portez vous bien

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