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Au Sahel, le besoin de refondation de l’Etat est lié à la persistance des doctrines coloniales de gouvernement

Une unanimité́ se dégage de plus en plus sur la faillite du modèle d’Etat Westphalien, hérité de la colonisation, comme la première raison des crises dans les pays du Sahel. Malgré l’attrait que ce modèle exerce encore sur les élites politiques et administratives, il s’est relevé incapable, depuis 60 ans, d’assumer ses fonctions régaliennes minimales que sont la défense de l’intégrité du territoire national, la garantie d’un service public équitable aux populations et la sécurisation des personnes et de leurs biens. La persistance des crises devrait amener à nous interroger sur leurs causes et non seulement de gérer leurs conséquences. A mon avis, la principale cause ne peut être que la reconduction, à la suite des « indépendances », des doctrines coloniales de gestion des communautés sahéliennes et leurs territoires.  A la suite de la  c onquête, le projet du colonisateur a été de regrouper les territoires et d’uniformiser les identités des diverses communautés locales. Le choix était

Entre le Mali contemporain et l’Etat décentralisé, c’est une longue histoire de promesses non encore tenues

Bakara Diallo, militant et cadre éminent, de l’USRDA et proche collaborateur du  Président Modibo Keita,  a déclaré à son investiture comme premier gouverneur de la région de Gao en juillet 1961 que : « l’institution des régions [1] , qui comme tout le monde le sait, consacre la politique de large décentralisation administrative, à laquelle l’Union Soudanaise et son gouvernement ont donné leur choix comme étant la seule pouvant convenir à un pays aussi vaste et aussi divers que le Mali » et d’ajouter que « la décentralisation s’impose au Mali comme une nécessité à laquelle on ne peut, en toute objectivité, que se pilier ».   S’adressant aux participants, à la clôture du séminaire sur la planification décentralisée, en février 1987 à Gao le  Général Président Moussa Traoré  et Secrétaire général de l’UDPM a déclaré : « enfin vous avez su dépasser l’argument facile lié au manque de préparation des populations pour la gestion de leurs affaires, le risque d’improvisation et le caractère pr

Je plaide pour une Constitution qui institue une 4ème République

 La validité d’une constitution dépend non seulement de son contenu, mais aussi du processus de consultation populaire qui précède son adoption. Il est venu le temps de rompre avec les habitudes du passé où le contenu des constitutions n’est porté à l’attention du grand public que quelques semaines avant une soumission au seul vote de l’Assemblée nationale et l’adoption par référendum. En dehors de la parenthèse de la Conférence nationale de 1991 et des foras politiques régionaux et du forum national de 1998, les procédés qui permettent d’associer toutes les composantes de la nation à l’élaboration ou la réforme des constitutions sont restées du domaine de la caricature.  Très souvent les choix politico-institutionnels et juridiques, qui fondent nos constitutions ne sont mis en débat que dans des cercles restreints des responsables politiques et des spécialistes du droit. La caution populaire n’intervient que dans la phase d’adoption par le référendum, au cours duquel les électeurs son

Une seule identité, une seule langue et un seul territoire, ce n’est pas malien

A l’indépendance de notre pays, la doctrine moniste, hérité de la France, a été reconduite. Pour les tenants de cette doctrine, l’existence de plusieurs ethnies, langues et territoires est un obstacle à la réalisation d’une unité nationale solide. Tout citoyen malien doit être malien avant tout et aussi malien tout court. Le français devient l’unique langue d’administration et d’enseignement du pays. Le territoire national est la seule échelle qui fait l’objet de toutes les attentions pour la préparation et la mise en œuvre des programmes de développement. Ainsi, toutes nos stratégies de développement sont restées territorialement « aveugles ». Le paradoxe dans le maintien de cette culture « réduisant tout ensemble en un » est que l’Empire du Mali, dont le nom a été donné à la nouvelle république et les autres empires médiévaux, dont nous sommes si fiers, ont existé des siècles durant dans la pluralité des ethnies, des langues, des territoires autonomes et même des religions. Plusieurs

Les leçons à retenir des fréquentes ruptures politiques au Mali

A chaque fois que les forces armées et de sécurité se sont emparées du pouvoir politique au Mali, en jouant les 3ème larrons, c’est parce que les leaders politiques n’ont pas été capables de faire les compromis nécessaires au fonctionnement régulier de la République, de l’Etat et de la démocratie. En 1968, le Lieutenant Moussa Traoré et ses compagnons du Comité    Militaire de libération Nationale (CMLN) ont fait leur coup d’Etat dans un contexte de grande confusion politique à la suite de la création, sous la poussée de l’aile radicale de l’US-RDA, du Comité National de Défense de la Révolution (CNDR) après avoir dissout l’Assemblee nationale. La confrontation idéologique entre le clan des « durs » et celui des « modérés », a abouti à l’instauration de la « révolution active ». Cette fracture politique, au sein du parti unique de fait, a révélé l’incapacité des dirigeants à trouver un compromis qui sauvegarde le régime. Ceci a ouvert la voie à la première incursion des militaires dans

Il faut sauver le Mali

Après quatre (4) coups d’Etat et cinq (5) rebellions armées, sans oublier l’absence de l’Etat sur près de 2/3 du territoire national contrôlés par des milices et autres bandes armées, c’est simplement un manque de respect que de parler de conquête de pouvoirs, c’est à dire d’élections, avant d’écouter les maliennes et les maliens de tous les territoires sur les modèles d’Etat, de démocratie, de développement économique et de société qu’ils souhaitent, même si cela doit prendre 2 ans. Quand allons nous tirer les leçons de 2013 et de 2018 ?

Des élections précipitées ne mèneront pas à une refondation de l’Etat

Depuis plusieurs années, les populations maliennes de Kayes à Menaka, de Kadiolo à Taoudéni, les vieux et jeunes, les femmes et hommes de toutes ethnies et confessions religieuses ont un accès  de plus en plus  facile aux libertés publiques et à l’information à proximité. Ces populations rurales comme urbaines sont de moins en moins obéissantes et résignées. Elles revendiquent et exigent plus de respect, d’écoute, de considération et de mieux-être.  Mais la majorité des élites qui gèrent l’Etat n’a pas encore mesuré toutes les implications de cette mutation majeure sur l’organisation et le fonctionnement système politique et institutionnel du pays et les rapports gouvernants et gouvernés. L’Etat, malgré l’indépendance, a continué à maintenir les communautés locales dans des rapports de commandement, c’est à dire de soumission sans murmure, au besoin en les brutalisant. L’emballage du système colonial a changé, mais ses doctrines, ses perceptions et ses pratiques ont été conservées. Pir