Travaillons à la fin des Presidents- messies pour changer la politique

Dans notre pays, l’élection présidentielle est présentée comme la rencontre d'un homme et son peuple. Une disposition de la loi électorale ne dit-elle pas que pour l’élection du Président de la République : « la déclaration des candidatures est faite à titre personnel…».
Cette conception de choix des dirigeants est liée à une vision de l’institution présidentielle et à une culture du pouvoir. Ce choix se traduit dans les faits par un affaiblissement de l’intérêt général qui cède devant des formes détournées de pouvoir personnel et de promotion d’intérêts personnels (isolés ou juxtaposés).
Le régime présidentialiste offre à la personne élue les moyens institutionnels de domination absolue sur l'Etat et d’instrumentalisation de tous les contre-pouvoirs institutionnels et non-institutionnels. L’institution présidentielle est politiquement et socialement perçue comme le seul dépositaire du pouvoir d’État.
Toute l’organisation administrative, l'appareil judiciaire, les forces armées et de sécurité, les médias publics (les journaux, les télévisions et les radios), etc.. sont instrumentalisées au profit d’un homme et de son clan.
Ce système de pouvoir personnel de fait s’entretient de surcroit par le clientélisme, l’achat de conscience et l’utilisation des ressources publiques à des fins personnelles par tout individu qui n’est pas tenu par des valeurs éthiques et morales.
Notre ambition doit être de trouver une alternative à une telle conception de choix d'un Président de la République qui devrait plutôt être la rencontre entre un projet collectif et un peuple. Les enjeux liés à cette mutation sont vitaux pour la politique et pour notre pays lorsque l’on a pris l’exacte mesure des conséquences désastreuses du pouvoir personnel et messianique sur nos sociétés et notre Nation.
Ce choix nous permettra de :
- répondre à la crise des partis politiques, dont les conséquences les plus visibles sont la dépolitisation de la jeunesse et la multiplication arrogante de candidats indépendants qui sont le signe de la perversion des pratiques politiques,
- prévenir dans les partis politiques les conflits internes du fait que le projet politique est souvent sacrifié au profit des seules ambitions personnelles des leaders,
- inventer des mécanismes pour réduire les risques d’exercice personnel et solitaire du pouvoir inhérent à la conception actuelle de l’institution présidentielle qui sont aggravés par le régime présidentialiste qui en fait la clef de voûte de toutes les institutions,
- prévenir la plupart des conflits politiques majeurs que nous connaissons dans nos pays, particulièrement en Afrique de l’ouest, et dont les causes sont souvent liées à la compétition pour l’accès ou la conservation du pouvoir présidentiel par un homme que l’on pense ou qui se pense providentiel,
- rompre avec la conception et la représentation sociale d’un Président de la République qui décide seul de tout, sans qui rien ne se fait, mais qui répond de très peu, en contradiction fondamentale avec les exigences de plus en plus fortes de participation, de transparence, de reddition de comptes dans la gestion des affaires publiques et de l’espace publique;
- convaincre les citoyennes et les citoyens que la complexité des problèmes du pays et du monde est telle que les réponses doivent être collectives et non celles d’un seul homme, quelque soient ses qualités.
Pour répondre à des préoccupations d’une telle ampleur, il faut concevoir et proposer aux maliennes et maliens une offre politique de rupture dont le souci de réalisme ne doit pas minorer l’ambition qui est de changer la réalité d’aujourd’hui et non de la subir dans le conformisme.
En privilégiant le projet collectif, on opère une mutation fondamentale qui, au-delà de l'élection, change les rapports au pouvoir et préfigura la manière collective dont il s'exercera et créera les conditions d’une responsabilité collective afin de garantir le respect des engagements pris.
Il faut donc mettre d’abord l’accent sur une équipe compétente et crédible qui a à sa tête un leader. Montrer une équipe qui additionne les qualités de ses membres pour soutenir un projet collectif nous donne plus de chance de créer les conditions d'une collégialité indispensable à la prise en charge et à la satisfaction des besoins collectifs.
La manière de concevoir et de promouvoir le caractère collectif du projet devra aussi être en cohérence avec son contenu, notamment à travers :
- la refondation des institutions de République, et particulièrement la rupture radicale avec le présidentialisme au profit d’un système qui favorise un exercice plus collégial du pouvoir d’État,
- la proposition de pratiques de pouvoir qui confortent la collégialité, la transparence, le « rendre compte » et la responsabilité,
- la rupture avec tous les symboles qui déconnectent les institutions et la société, c’est à dire ceux qui lui donnent leur légitimité
- la réinterrogation des processus de préparation et de prise des décisions majeures en ce qui concerne l’avenir du pays, etc…

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

C’est l’impunité et non la démocratie qui ruine le Mali

Au Sahel, le besoin de refondation de l’Etat est lié à la persistance des doctrines coloniales de gouvernement

Entre rêves, réalités et résilience. Quelles perspectives pour le Mali, 64 ans après son indépendance ?