Le Mali, une nation qui cherche encore un État

En septembre 2010, l'année des cinquantenaires en Afrique, pendant que les gouvernements célébraient, j'ai produit un éditorial pour le site de l'Institut Africain de Gouvernance en tant que Président de son Conseil d'administration. J'avais intitulé cet article : "le Mali, une nation qui cherche encore un Etat". La crise de laquelle notre pays tente, avec beaucoup de peine, de sortir m'amène à vous proposer aujourd'hui encore le même article.
Ces dernières années, sous les effets conjugués de la pression des populations et des organismes donateurs, le Mali, à l’image de beaucoup d’autres pays du continent, s'est engagée dans des processus de construction d’une démocratie pluraliste, de décentralisation et de libéralisation de la gestion des affaires publiques. De nombreux secteurs qui étaient sous l’emprise de l’Etat ont été ouverts aux acteurs privés nationaux et internationaux. De nombreux partis politiques et d'organisations de la société civile se sont créés et cherchent à s’affirmer comme des régulateurs des processus de transformation de la société. Au plan interétatique, plusieurs initiatives d’intégration politique et économique sont en cours, même s’elles sont encore loin de rendre compte des complémentarités existantes entre les Etats et des relations séculaires d’échanges antérieures aux frontières héritées de la colonisation.
Mais toutes ces initiatives importantes n’arrivent pas encore à inverser les tendances lourdes dont la persistance met en péril la stabilité de l’Etat qui se fragilise de jour en jour, compromettant ainsi toute possibilité de promotion de développement du pays. La pauvreté a tendance à se généraliser depuis deux décennies. Les conflits intérieurs se généralisent. L’accès des populations au service public de base (éducation, santé, eau et environnement sain) reste un défi qui est encore loin d’être relevé.
La crise économique et les conflits autour des ressources naturelles qui se dégradent en raison d’une population qui augmente et qui s’urbanise font un peu partout le lit de la résurgence de revendications identitaires. L’insécurité matérielle et humaine, que cette situation entretient sur l’avenir des hommes, des femmes et surtout des jeunes, préférant rechercher leur salut hors du continent, détruit le tissu social que les assauts de la modernité ont déjà fragilisé.
Pourtant, le Mali ne manque pas d'atouts pour son développement. La jeunesse de sa population (plus de la moitié a moins de 15 ans), ses ressources naturelles, son potentiel culturel et enfin sa diaspora présente et entreprenante sur tous les continents sont quelqu’un de ces atouts.
Dans ce contexte fait de paradoxes, l’Etat/Nation post indépendance semble désarmer face sa mission de régulateur de l’espace public et d’organisateur de la délivrance du service public La faiblesse des administrations publiques centrales et leurs incapacités persistantes à mobiliser les ressources du pays et à les utiliser judicieusement pour le bien être des populations ont fini par ôter toute crédibilité aux institutions publiques.
La persistance, voire l’exacerbation de tous ces faits, près de cinq décennies d’indépendance, révèlent une crise profonde de l’action publique qui implique que nous osions ouvrir un débat de fond sur la question du type d’Etat qu’il nous faut.
A suivre

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

C’est l’impunité et non la démocratie qui ruine le Mali

Au Sahel, le besoin de refondation de l’Etat est lié à la persistance des doctrines coloniales de gouvernement

Entre rêves, réalités et résilience. Quelles perspectives pour le Mali, 64 ans après son indépendance ?