Nous avons gagné le combat des libertés, mais perdu celui des valeurs

A l'occasion de la commémoration du 25ème anniversaire de la marche unitaire du 30 décembre 1990, la Coordination Malienne des Organisations Démocratiques (COMODE) a organisé le 20 janvier 2016 à la Pyramide du Souvenir une Conférence-débat sur le bilan et les perspectives du mouvement démocratique au Mali.
Pendant cette conférence, les jeunes, venus en grand nombre, n'ont pas raté l'occasion d'interpeller leurs ainés initiateurs et organisateurs de la marche unitaire du 30 décembre 1990, sur les difficultés voire les déviances qu'a connu le processus démocratique depuis l'installation du pluralisme politique dans notre pays.
A l'occasion, il a par ailleurs été rappelé à ceux qui s'efforcent de réécrire l'histoire que cette marche unitaire des organisations démocratiques avait pour seul et unique objet la revendication de l'ouverture démocratique vers le pluralisme politique et le respect des libertés publiques. C'est la répression féroce "la couronne d'enfer" qui s'est abattue sur les marcheurs de ce jour et des jours suivants qui a conduit à l'arrestation du Président Moussa Traoré et à l'effondrement de son parti-Etat (UDPM).
Pour revenir aux interpellations de la jeunesse, elles ont été franches et même parfois violentes tant est grande la déception des jeunes de notre pays. Les dénonciations et parfois les cris d'alarme que j'ai noté au cours du débat sont : "la démocratique s'est traduite par un partage de gâteau", "les partis politiques ont failli et doivent assumer leurs bilans", "nous sommes en manque de repères parce qu'on nous a habitué à accepter l'inacceptable", "dans ce pays chacun ne pense qu'à lui même, l'honnêteté a disparu" "c'est l'Etat qui doit protéger qui est le premier à détruire",  "les maliens se sont construits en oubliant de construire le Mali", etc. J''ai aussi entendu des appels presque de détresse du genre : "nos repères ne parlent plus, nous avons besoin d'être orienté" ou "ayons le courage de faire face aux adversaires de la démocratie qui utilisent la couverture de la religion". 
Je suis sorti de cette conférence-débat avec le sentiment que le mouvement démocratique malien a gagné le combat des libertés, mais a perdu le combat des valeurs.
Bien que des prétendus experts ou spécialistes aient chanté haut et fort que la démocratie malienne n'était qu'une démocratie de façade, il est incontestable, sauf pour ceux qui ne veulent rien voir ou comprendre, soit pas ignorance ou mauvaise foi, que les libertés de parole, d'écrire, d'opinion politique, d'association et de culte, bref toutes les libertés publiques ont droit de cité dans notre pays. Elles sont certes fragiles, mais elles résistent vaille que vaille. On peut donc affirmer que le combat des libertés publiques est bien gagné.
Le combat que nous sommes loin d'avoir gagné et que nous risquons même de perdre, sans un sursaut collectif, est celui des valeurs. Parler de valeurs aujourd'hui dans notre pays, c'est apparaitre, pour un grand nombre de personnes, comme un rêveur, un idéaliste qui n'est pas dans le réel. Cependant, si nous voulons éviter le désastre humain et matériel qui s'annonce, la vertu, la loyauté et la tolérance sont quelques unes des valeurs qu'il faudra mettre au centre de toutes nos entreprises politiques. Ce sont ces valeurs qui donnent sens à la démocratie et non uniquement le vote, l'alternance et la limitation des mandats. La vertu au sens de la force morale à tendre vers le bien et à respecter les règles établies. La loyauté au sens de la fidélité à tenir ses engagements (droiture et honnêteté). La tolérance au sens d'admettre chez l'autre une manière de penser ou d'agir différente de celle qu'on adopte soi-même (le respect de l'autre).
Si nous voulons éviter que le "bateau" Mali qui tangue sérieusement ne chavire ; ce sont là des valeurs que nous devons nous imposer "ici et maintenant" et enseigner à notre jeunesse qui parait désemparer. 



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