Le Mali est condamné à sortir des ruptures qui entretiennent des permanences

Au gré de mes lectures, je suis tombé sur l’extrait d’un discours prononcé en 1967 par Modibo Keita, le premier Président de la République du Mali,. Cet extrait a été rapporté par Cheick Oumar Diarra dans son livre « le Mali de Modibo Keita ».

Pour ceux qui ne savent pas où qui ne se souviennent plus, 1967 est l’année d’exacerbation des contradictions et des oppositions entre les deux tendances au sein de l’USRDA. La première comprenait ceux qui étaient considérés comme la « droite du parti » et la deuxième, quant à elle, regroupait autour de Modibo Keita, lui-même, les partisans du « socialisme malien » appelés « fer de lance » du Parti. L’année 1967 c’est aussi celle de la « révolution active » qui entraina la dissolution du Bureau Politique National (BPN) et de l’Assemblée National remplacée par le Comité National de Défense de la Résolution (CNDR).

Le Président Modibo Keita qui devait subir le premier putsch militaire quelques mois plus tard, le 19 novembre 1968, disait : « Notre pays se trouve à un tournant extrêmement dangereux. Nous sommes sur la corde raide ! Dans ce cas, où bien nous basculons, dans la facilité, avec tout ce que cela va comporter plus tard comme misère, comme humiliation, pour notre peuple et pour l’Afrique ; ou alors, nous basculons dans la voie de la dignité ; dans la voie de la lutte, dans la voie de sacrifice, comme aux moments les plus difficiles de l’USRDA.

.,... C’est pour cela, qu’il est essentiel, dans cette période cruciale qui doit déterminer l’orientation définitive de notre peuple, que les énergies saines, que les hommes sains, honnêtes, engagés, et en particulier les jeunes, se mobilisent..... ».

Ce qui me frappe et qui justifie le partage de cet extrait de discours est son actualité plus d’un demi-siècle (53 ans) plus tard. C’est une preuve, s’il en fallait, que nous sommes installés, depuis l’indépendance, dans un cycle infernal de putschs militaires (4) suivis de périodes de transition (4) qui ne changent nullement la trajectoire descente d’un pays qui semble embourber dans des permanences empêchant toute évolution positive vers la stabilité, la paix et le progrès. 

Nous devons collectivement et courageusement attaquer les causes de cette série de ruptures en cherchant les raisons profondes de la permanence des comportements individuels et collectifs que nous n’arrivons pas à dépasser ou à faire évoluer. J’ose espérer, avec inquiétude néanmoins,  que la transition qui s’installe aidera à trouver les voies et les moyens de briser le cercle vicieux de successions de républiques suivies des ruptures qui ne changent rien, à part un ballet de leaders civils et/ou militaires qui, une fois installés au pouvoir, oublient le Mali pour ne s’occuper que d’eux-mêmes et de leurs proches, jusqu’au prochain putsch suivi d’une nouvelle période de transition.

Le défi d’aujourd’hui (changer ou périr) ne nous laisse que deux possibilités, à savoir : 1°) faire de la transition en cours une opportunité pour évoluer vers un pays uni, stable et prospère pour le bonheur de toutes et de tous les maliens ou 2°) maintenir le statu quo qui ne mènera infailliblement qu’à l’émiettement territorial et communautaire du « Maliba ». Nous devons donc dénoncer et éloigner du pouvoir les flatteurs, les profiteurs et les vendeurs d’illusions, car l’Afrique et le monde se fatiguent de nous et ne pourront plus rien pour nous.

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